par Hugues Débotte, membre du bureau de l’APUC www.pouruneconstituante.com

« Macron, destitution » peut-on entendre de-ci, de-là dans les cortèges des manifestations contre la réforme des retraites. Slogan repris par les membres de l’opposition contrôlée que sont Florian Philippot (1) et François Asselineau (2) en invoquant l’impossible article 68 de la constitution. Ils font croire qu’ils n’ont pas lu ni compris la Constitution.

Affirmant que le combat continue, Mathilde Panot, dont la verbe oratoire est habituellement forte et construite, balbutiait lors d’une prise de parole quelque peu désincarnée (3), et dégaine l’invocation de la « constituante », pour une « 6ème République ». Oubliant ses propres mots – lucides cette fois – lorsqu’elle invoquait, quelques jours plus tôt, l’impossibilité de réformer les institutions, vu que tous les pouvoirs sont dans les mains du Président.Faut-il l’inviter à lire et comprendre la Constitution ?

Jean-Louis Debré (5), s’étonne que Renaissance/LAREM puisse être aussi hors-sol et non connecté avec les citoyens et quand même élu. Il ne comprend pas pourquoi il y a eu utilisation du 47-2 , pourquoi le gouvernement gouverne contre le Peuple. Rappel : son père a écrit la Constitution actuelle, adoptée par référendum en 1958 – mais écrite par un petit comité Gaullien. Monsieur Debré fils a aussi été président du Conseil Constitutionnel. Mais sans doute doit-il lui être rappelé de devoir relire la Constitution : ses questions y trouvent réponse.

Olivier Faure (6) se demande comment est-il possible d’avoir de telles institutions qui permettent à un seul homme de tout faire tout seul sans consulter personne, évoque de revoir les institutions et tente de faire croire que les abstentionnistes ne croient plus en rien sauf la présidentielle (sic). A-t-il une mémoire de poisson rouge et ne connaît-il pas « Le coup d’État permanent » d’un certain François Mitterrand qui promit de changer la cinquième République et s’en nourrit plus que jamais ?

Dans les semaines précédentes, sur une chaîne en continu, une manifestante s’offusquait d’un « article 47-1,44-3, 47-2, 49 alinéa 3, et puis quoi encore ? Ça sort d’où tout ça ? Ils vont nous en pondre d’autres de la Constitution ? ». Un esprit provocateur lui aurait répondu qu’il faudrait qu’elle la lise la Constitution, elle ne serait alors pas surprise.

En face, sadiques et provocateurs, les membres de la majorité et du gouvernement répètent inlassablement comme des robots que « c’est la démocratie, ce sont les institutions ». C’est pas faux, ils ont presque raison, pour le coup.

A ce jeux de dupes, tout le monde s’excite et devient subitement constitutionnaliste ou spécialiste constituant. Tout le monde invoque des articles de la Constitution et ne maîtrise rien, conséquence naturelle du désintéressement général du contenu du pacte social qui organise notre Nation depuis 65 ans.

En balayant le Referendum d’Initiative Partagé – au cynique et sinistre acronyme « RIP » – , et en validant la réforme des retraites, le Conseil Constitutionnel joue son rôle absurde et finit d’ouvrir la boîte de Pandore, qu’il avait déverrouillée avec la loi du 5 août 2021.

Or, si tous les intervenants, notamment les députés de l’opposition, se sont focalisés sur la saisine des neufs « sages », et de l’invocation d’un référendum, aucun n’a préalablement insisté lourdement sur deux points importants : qui sont les neufs membres du Conseil Constitutionnel, et comment sont-ils arrivés à ce poste ? Quand le sage montre la lune, l’imbécile regarde le doigt…

Le cumul à la fois de l’amnésie collective, de la schizophrénie, et de la mauvaise foi permet d’éviter les réponses qui fâchent. Laurent Fabius a été un assassin suspecté, relaxé par la justice spéciale prévue dans la Constitution, pour l’affaire du sang contaminé par le rétrovirus VIH du SIDA des années quatre-vingt.

Alain Juppé est un repris de justice, condamné par la justice, pour faux emplois à la Mairie de Paris. Jacqueline Gourault est une ancienne sénatrice ayant échoué à toutes les élections directes, et cooptée pour son joli sourire et son doigt dans le nez.

Les autres, dont une ancienne motarde diplômée de Science Po – cooptée elle aussi, sans doute une amie de Richard Ferrand –, sont des faire-valoir puisque hauts fonctionnaires ou avocats.

Laurent Fabius a été relaxé par la Cours de Justice de la République , qui a repris le dossier en cours depuis 1991 par d’autres juridictions de droit commun. Du coup, il n’a purgé ni peine de prison, ni eut d’amende. Pourquoi ? Il faudrait peut être lire la Constitution, et lire entre les lignes. Car cette institution spéciale est une juridiction d’exception compétente pour juger les crimes ou délits commis par les membres du gouvernement dans l’exercice de leurs fonctions.

Elle a surtout été instituée à point nommé lors d’une Énième réforme constitutionnelle en 1993, en plein marasme de tous les scandales – dont celui en cours de l’affaire du sang contaminé à partir de 1991 – du second et dernier mandat du Président François Mitterrand. Celui-ci voulait surtout sauver celui-là – qui était son petit préféré – , et calmer le jeu : un ancien premier ministre en prison, cela aurait terni la légende post-mortem du Président, si imbu de son image et sa personne.

L’argument prétexte retenu pour relaxer Laurent Fabius est que l’ex-premier ministre avait mis en place des dépistages sur les poches de sang. Certes, la France est l’un des premiers pays à mettre en place les tests de dépistage systématique sur les dons, mais l’arrêté pris à l’époque par le gouvernement ne mentionne pas le test des stocks de produit déjà constitués. Ainsi, l’utilisation par les hémophiles de produits sanguins chauffés, et donc débarrassés du virus du VIH, paraît indispensable dès le printemps 1985. Cependant, des stocks de produits non traités sont laissés en circulation. Ils représentent 34 millions de francs. Sachant au passage que 80% des dons du sang sont revendus aux laboratoires privés.

 Or cette Cours de Justice de la République est composée essentiellement de députés et de sénateurs. Coté impartialité, difficile de faire mieux. Logique donc que Fabius n’ait connu aucune sanction : il ne faudrait pas de jurisprudence, autrement, d’autres têtes pourraient tomber et rouler. Un peu comme l’avocat d’affaire du tout Paris, Robert Badinter, qui en faisant abolir la peine de mort sous prétexte d’humanisme, évita aux bourgeois de connaître un jour une nouvelle Terreur par l’utilisation abusive de la Guillotine par le Peuple affamé.

L’issue de l’affaire du sang contaminé n’est pas anecdotique. Elle en dit long sur les incohérences des règles actuelles. Et ce n’est pas le seul cas. Durant la crise de 2020, pas une seule voix ne s’est élevée contre le « bricolage » du gouvernement sur l’application de l’article 38 de la Constitution portant sur les ordonnances encadrant l’État d’Urgence. Pourtant, pour ceux qui s’y seraient intéressés, ils auraient découvert multiples irrégularités, qui pour le coup, auraient pu mettre vraiment au pied du mur le Conseil Constitutionnel.

La Cours de Justice de la République sert autant à défendre le Peuple, que le Conseil Constitutionnel face aux lois absurdes et autoritaires du gouvernement ou que l’IGPN face aux exactions des gardiens de la paix. Trois institutions aussi absurdes les unes que les autres.

Quant à la constitutionnalité du Conseil Constitutionnel, elle est indiscutable. Mais quel sens cela a de confier la validation des lois à des individus qui l’ont violée, sinon à des amateurs du droit constitutionnel et du droit international public ?

Pour ce qui est de la Constituante, il est rappelé à Madame Panot que ce moment historique appartient au Peuple,non à un parti politique qui n’est qu’une partie du Peuple, et que ce moment arrive uniquement lorsque le Peuple tout entier l’aura décidé. Sommes-nous arrivé à maturité de putréfaction du cadavre ? Il semble que non. A moins que s’invente spontanément une nouvelle forme de moment constituant, l’Histoire nous apprend que les changements de constitution en France suivent tous une défaite ou une crise d’ordre international, la plupart du temps militaire. Sauf en 1789.

Mais en 1789, ce sont les députés qui se sont soulevés. Ce n’est donc pas aujourd’hui que la destitution du Président sera signée par les 58 députés nécessaires, d’autant plus que la Haute Cour émergeant de cet article est présidée par … la présidente de l’Assemblée Nationale. C’est dans la Constitution.  Faut-il encore la lire. Jeu de dupes. Filippot et Asselineau confirment ainsi être des manipulateurs et des affabulateurs.

Quant à cette citoyenne scandalisée des articles de la Constitution, sans le savoir, c’est sans doute elle qui détient les clés du problème. Lire la Constitution, c’est ce qu’a fait cet entrepreneur indépendant victime du RSI, gilet jaune qui témoigne dans « J’veux du soleil » du journaliste François Ruffin : « je ne comprenais pas d’où venait mes problèmes, alors j’ai lu la Constitution, et j’ai compris ».

« L’ignorance, l’oubli ou le mépris des droits de l’Homme sont les seules causes de malheurs publics et de la corruption du gouvernement » préambule de la DDHC de 1789. Selon l’article 16 de ce même texte, et au regard du Droit International Public, du fait du coup d’État politique du 4 Février 2008, nous n’avons plus de Constitution, celle en cours est putative, et le Peuple est en droit de recouvrer sa souveraineté en écrivant une nouvelle Constitution. Et pour ce faire, il n’a nullement besoin de demander l’autorisation aux dirigeants actuels, pas plus que les députés du Tiers États rejoints par une partie du Clergé ne demandèrent l’autorisation au Roi de se constituer librement pour créer l’Assemblée Nationale, en vue de la souveraineté appartenant au Peuple et de l’instauration de la séparation des pouvoirs.

Et pour faire pareil en 2023, décider et s’auto-organiser s’impose. (4)

Faudrait-il d’abord commencer par connaître les règles actuelles.

Et donc lire la Constitution.

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(1) 14 janvier 2023 https://LLdpRpPQ6cc ; (2) 17 mars 2023, https://youtu.be/7yITCf7zkE ; (3) conférence de presse du 14 avril 2023, à l’Assemblée Nationale (4) https://youtu.be/bf7Xs29iepw;(5) Le Grand Rendez-Vous du 9 avril 2023 https://youtu.be/27qTi1IGx3k ; (6) Invité du week-end France-Inter du 15 avril 2023 https://youtu.be/Qq7Arjc5lcU

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