Non-dit voire tabou, le ver dans la pomme d’un droit spécifique très enrichissant, le droit de spoliation en Alsace-Moselle ayant été démontré (voir https://www.laconcordetv.fr/2024/01/la-spoliation-nazie-en-alsace-moselle-en-2024/), l’enjeu d’avenir consiste en ce qu’il puisse être généralisé à toute la France et à toute l’Europe et ce en parfaite légalité, d’autant plus qu’il est parfaitement légal en lui-même.  La mécanique juridique et institutionnelle s’appuie sur un ensemble d’outils existants qui se parlent. Explications détaillées.

Rappel et récapitulatif du droit de spoliation alsacien-mosellan

Le droit spécifique alsacien-mosellan comporte bien des aspects positifs et intéressants. Pour autant, il pose un réel problème de fonds. Il porte sur la possibilité de se voir spolier ses biens au moment d’un héritage ou d’une transmission d’entreprise à l’apparition d’un litige.

Ce conflit se règle par une procédure spéciale, appelée le recours gracieux, bien connu en droit interne et droit commun français, mais pas pour des litiges entre tierces personnes. Le recours gracieux concerne habituellement les relations avec l’État (décision d’une administration, rappel à la loi par le procureur).

Or, ancienne loi du Reich, transposée subitement en 1975 par le décret 75-1123, la procédure spécifique aux litiges en Alsace-Moselle (ALMO) portant sur les questions foncières et de propriété s’appuie sur une procédure confidentielle, secrète, à huis clos, où le juge français souverain doit prendre une décision, mais n’est juridiquement pas compétent pour interpréter un droit étranger, en l’occurrence germanique datant de 1871.

Cette procédure est gérée par le notaire alsacien-mosellan, par application de l’annexe du code de procédure civile français – un cas unique en l’espèce, très discutable dans sa mise en œuvre institutionnelle – puis par application d’obligation légale du code civil allemand, du code de procédure civile allemand et des règles spécifiques régissant le foncier et la propriété.

Or les débats devant les notaires sont secrets et les pouvoirs du notaire sont tels que les déclarations qu’il fait dans le cadre d’un procès-verbal ne peuvent être contestées. Cette procédure vise à aboutir à une solution “malgré l’absence, l’abstention ou la résistance d’une partie intéressée” (cf. Cours d’Appel de Colmar).

Dans ce contexte, en prenant la place du juge, le notaire en charge du dossier n’est pas impartial : il se voit confier une affaire où il est en conflit d’intérêt avec ses confrères, et parce que de près ou de loin, lors d’une autre affaire, il changerait de rôle mais pas de casquette de notaire. Il n’est pas non plus indépendant pour autant, du fait de la promiscuité dans la profession.

Enfin, puisque l’État et l’Église ne sont pas séparés en ALMO, les lois de Dieu font force juridiquement, et tout serment a valeur juridique. Les notaires ALMO prêtent serment devant Dieu, et se permettent ainsi de certifier comme vrai et indiscutable tout document – même s’il est faux (intentionnellement ou non). Pour annuler tout titre litigieux ou contestable, le notaire est seul décisionnaire pour se rétracter de son serment, à défaut d’un confrère le contredisant. Depuis 1940, les notaires prêtaient serment à Hitler et non plus Dieu. Il existe un doute patent quant au rétablissement du serment précédent depuis 1944. En effet, l’ordonnance de rétablissement de la République du 15 septembre 1944 n’a jamais été publiée à la connaissance des alsaciens-mosellans, mais seulement au JOFR.  Or le seul registre officiel effectif est le Gesetzblatt fûr Elsass-Lothringen, remplacé par le « Verordnungsblatt des chefs der civilerwaltung in Elsass » (Bulletin d’ordonnance du chef de l’administration civile en Alsace) en 1940 par le gouverneur Wagner. Si politiquement la situation est artificiellement rétablie en 1944, juridiquement en droit public et constitutionnel, elle ne l’est pas du tout. Ce qui voudrait potentiellement dire qu’en 2024 les notaires alsaciens-mosellans prêtent serment à Hitler… sans le crier sur tous les toîts.  

Au passage, on peut se demander pourquoi en 1944 il y a eu deux ordonnances de rétablissement de la République, une pour l’Alsace-Lorraine, et une pour le reste de la France, d’autant que le gouvernement provisoire n’avait pas autorité pour légiférer sur l’ALMO.

Extension et généralisation au reste de la France et l’Europe

Sur le plan européen, ce droit spécifique pourrait très bien s’étendre à tout le continent par combinaison de deux outils juridiques existants.

Premièrement, la conférence du Rhin supérieur qui réunit depuis 1976 l’Alsace, le Baden-Württemberg et la Suisse alémanique, autrement dit trois zones frontalières extrêmement riches. Cette conférence justifie de multiples échanges et coopérations. L’Alsace peut se voir renforcée par une sortie du Grand Est, tant réclamée par les élus régionaux et autonomistes en tout genre. La démarche est confortée par la Charte européenne de l’autonomie locale et la redéfinition de la décentralisation en l’espèce lors de la prochaine loi de décentralisation en préparation.

Deuxièmement, le « Mécanisme transfrontalier européen » existe depuis quelques années dans le droit de l’Union européenne. Il permet de transférer des droits d’une région frontalière à un autre entre États de l’Union européenne, et ce sans autre procédure. Il pourrait au moins fonctionner entre les deux régions franco-germaniques, la Suisse n’étant pas membre de l’UE. Il est à noter que ce nouveau mécanisme est instauré que depuis septembre 2023 par la Commission européenne. Et que s’est suivi à plusieurs reprises l’appel du président de la Communauté européenne d’Alsace de voir “sortir” l’Alsace de la région grand-Est et ainsi mieux se rapprocher de ses voisins suisses et allemands.

Sur le plan interne, la subtilité est dans la doctrine et les appels du pied de l’ordre des notaires. En effet, ne niant en rien les spécificités du droit notarial ALMO, bien au contraire, il est promu et avancé l’argument de l’avantage de « désengorgement des tribunaux » en usant de la procédure du recours gracieux notarial spécifique à l’ALMO et de le généraliser à toute la France ! C’est en tout cas ce que suggère Olivier Vix, notaire alsacien, dans sa thèse défendue à l’Université Assas Paris 2 en juillet 2022, et éditée depuis chez LexisNexis.

Cet argument est repris par la conférence des notaires et autres juristes qui se réuniront le 17 juin 2024 dans le cadre des 100 ans des lois du 1er juin 1924 (le 1er juin cette année tombe un samedi ; le 17 juin est un lundi, et c’est l’anniversaire de la capitulation de la France face au nazisme en 1940…).

Ce qui est le plus troublant c’est que la première version du Guide du Droit local a sur sa couverture les initiales T et G en lettres gothiques, deux lettres qui ne font référence à rien de connu lié à l’Alsace et la Moselle, même dans les termes germaniques de constitution, loi ou autre outil juridique.

La seule référence possible est Tulle Gesellschaft, une société secrète antisémite, prônant la race supérieure, dont la doctrine économique est que la propriété est réservée aux dirigeants et aux élites. Une société dont a été membre Hitler et qui reprendra les préceptes dans son discours en 1933 à Munich. Et le Guide du Droit local reprend en toutes lettres les spécificités du recours gracieux, du traitement des litiges et du pouvoir exorbitant du notaire alsacien-mosellan.

Si cette généralisation et cette extension en France et en Europe restent théoriques et hypothétiques, le risque existe. La perversité de la démarche est de prendre pour alibi le reste du droit spécifique ALMO qui a le mérite d’être promu. Mais il est pris en otage par les dirigeants politiques, économiques et administratifs, à qui profite le crime.

Les Sentinelles Citoyennes
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